Développement chez le chien

Chez le chien comme chez le chat, on peut distinguer quatre périodes de développement :

la période prénatale, la période néonatale, la période de transition et la période de socialisation. Pour qu’un animal se développe normalement et pour qu’il soit équilibré, il faut que ces quatre périodes se déroulent dans les meilleures conditions.

La période prénatale

Avant la naissance, il y a déjà des échanges d’informations entre la mère et son fœtus. Il s’agit évidemment d’informations chimiques par le sang de la mère qui transporte certaines substances qui vont passer à travers le placenta. Certaines ont un rôle nourricier, d’autres sont des hormones qui vont participer au développement du fœtus. Par ailleurs, le fœtus acquiert une sensibilité tactile (dans l’espèce canine, environ 40 jours avant la naissance). Cela signifie que les manipulations de la mère pendant sa gestation vont influer sur le développement sensoriel du petit. Si elle n’est pas manipulée régulièrement et gentiment, les petits risquent d’avoir une tolérance au contact diminuée, ils supporteront difficilement les contacts physiques notamment avec l’homme. C’est pour cette raison qu’il est conseillé de caresser régulièrement le ventre de la mère pendant sa gestation.

La période néonatale

La période néonatale s’étend de la naissance à environ10-15 jours chez le chiot ou chez le chaton. Le nouveau-né est caractérisé par une immaturité sensorielle et motrice : il est sourd, aveugle et anosmique (il ne perçoit pas les odeurs, même s’il perçoit très probablement des phéromones émises par sa mère). Toutefois, sa sensibilité tactile et sa sensibilité gustative (il perçoit le goût sucré qui déclenche le réflexe de succion) lui permettent de repérer sa mère et de rester auprès d’elle, ce qui est vital. En effet, le nouveau-né n’a pas la capacité de se thermoréguler (la température de son corps dépend surtout de la température extérieure), il est donc indispensable qu’il reste au chaud près de sa mère. Mais comme la mère s’attache à ses petits dès la naissance (au maximum dans les 2 jours qui suivent la naissance), elle va rechercher ses petits dès qu’il s’éloignent d’elle. Elle les ramène près d’elle où ils pourront se réchauffer et se nourrir.

En résumé, pendant cette période, le petit est comme une petite larve : il ne marche pas car ses membres ne sont pas fonctionnels, il rampe. Il se dirige vers le chaud (= le ventre de sa mère) : on parle de thermotactisme positif. Dès qu’il touche un obstacle (= le ventre de sa mère), le réflexe de fouissement se déclenche (il pousse avec sa tête), ce contact stimulant la sécrétion de lait de la mère. Le sucré du lait maternel qui perle aux tétines déclenche ensuite le réflexe labial.

Le nouveau-né dort 90 % du temps et son sommeil est surtout constitué de sommeil paradoxal (à 95%). La communication qu’il entretient avec sa mère est réduite à de l’agitation très marquée avec des vocalises quand il est isolé (sa mère vient le ramène vers elle en le prenant par la peau du cou).

Après le repas, la mère est active : elle lèche chaque petit activement. Cette stimulation tactile est fondamentale pour le développement sensoriel du chiot mais aussi pour le transit digestif (c’est vital). En effet, le léchage de la région périanale (autour de l’anus) déclenche le réflexe périnéal : le petit émet des urines et des selles. Ce réflexe persiste jusqu’à J21-J28.

La période néonatale prend fin à l’ouverture des yeux.

La période de transition

Cette période charnière est courte puisqu’elle dure environ une semaine, le petit est alors âgé de deux à trois semaines. Elle correspond à la dernière étape du développement du cortex cérébral. Elle débute à l’ouverture des yeux qui a lieu chez le chien entre J10 et J16. La période de transition est caractérisée par :

  • la disparition du réflexe de fouissement et du réflexe labial,
  • la durée de sommeil diminue puisqu’il n’occupe plus que 65 à 70% du temps (avec 50% de sommeil paradoxal), donc l’activité du petit augmente ;
  • le début de l’attachement des petits à leur mère (J16-J21) : l’attachement est donc devenu réciproque. Cela correspond aussi au début du processus d’imprégnation : le chiot ou le chaton se socialise à l’espèce humaine. C’est un processus progressif contrairement à ce qui se passe chez les Oiseaux (on parle alors d’empreinte);
  • la locomotion : ses membres antérieurs et maintenant ses membres postérieurs sont fonctionnels.
  • l’exploration : comme le petit voit et entend, il peut mieux s’orienter. Il voit sa mère. Il peut s’éloigner, flairer, lécher et revenir vers sa mère. L’orientation visuelle début vers J20-J25) ;
  • le début de la communication : les vocalises deviennent plus complexes, elles sont plus variées (J16-J18).

La période de socialisation

La période de socialisation s’étend de l’âge de 3 semaines à l’âge de 3 mois. C’est une période complexe et fondamentale. Si elle ne se déroule pas dans de bonnes conditions (séparation de la mère précoce, environnement pauvre en stimulations), des troubles du développement se développement responsable de troubles du comportement aussi divers que de l’agressivité, de la peur, de la malpropreté, des destructions, un hyperattachement…

Durant cette période, l’animal acquiert 4 éléments : les autocontrôles, la communication, la hiérarchisation chez le chien et le détachement. Ces éléments sont développés dans les pages suivantes.

Acquisition des autocontrôles

Le chiot ou le chaton apprend grâce aux interventions de sa mère à se contrôler (acquisition des autocontrôles) et à s’arrêter (apprentissage du signal d’arrêt). La séquence comportementale c’est-à-dire le déroulement de tout comportement (manger, chasser, jouer, se toiletter…) s’organise en trois phases : la phase appétitive, la phase consommatoire et la phase d’arrêt. Pour résumer, avant l’apprentissage des autocontrôles, le petit agit sans évaluer si son acte est possible (il a envie, il passe à l’acte). Progressivement, quand il a envie d’agir, il évalue s’il peut passer à l’acte (ceci se passe pendant la phase appétitive), ensuite il peut s’arrêter là, ou il peut passer à l’acte (phase consommatoire) puis s’arrêter (phase d’arrêt). Grâce à l’apprentissage des autocontrôles, le chiot ou le chaton peut apprendre à communiquer avec les individus avec qui il vit.

Cet apprentissage des autocontrôles permet aussi la régulation de l’homéostasie sensorielle. L’homéostasie sensorielle signifie globalement équilibre émotionnel et sensoriel. Face à une stimulation, l’individu réagit et si son homéostasie sensorielle est bien régulée, il a suffisamment de ressources pour retrouver son équilibre émotionnel. Sinon, il peut ressentir anormalement de la peur, de la colère ou de l’excitation. Une bonne régulation de l’homéostasie sensorielle signifie aussi que l’individu ne va pas réagir à n’importe quelle stimulation : il filtre, il évalue et ne réagit que si la stimulation est d’une certaine intensité. La réaction n’a lieu qu’à partir d’un certain seuil.

Cet apprentissage des autocontrôles et par conséquent la régulation de l’homéostasie sensorielle est effectué par la mère, grâce à ses interventions. Par exemple, quand les chiots jouent ensemble, ils se mordillent (ils ont des petites dents pointues dès 4 semaines). Comme ils ne contrôlent pas leur morsure, ils se font mal et le jeu dégénère très vite en combat, le plus fort prenant le dessus, le plus faible hurlant de douleur et de peur. La mère doit intervenir dès que possible pour arrêter le combat, contrôler en corrigeant le plus fort et apaiser le plus faible. Plus souvent la mère intervient, plus l’apprentissage des autocontrôles sera efficace. Cela signifie que la mère doit être en bonne santé, que la portée n’est pas trop nombreuse, qu’elle a la capacité d’intervenir quand elle le souhaite et ce pendant au moins les deux premiers mois de la vie des petits.

Pour cette régulation de cette homéostasie sensorielle soit efficace, il faut que l’environnement dans lequel se développent les chiots soit suffisamment stimulant. Cela signifie que les chiots ont suffisamment d’espace pour explorer, qu’ils peuvent entendre des bruits variés pour qu’ils s’y habituent, qu’ils puissent jouer avec des objets de formes, de couleurs et de textures variées et qu’ils soient manipulés régulièrement et gentiment par des humains (hommes, femmes, enfants)… et tout ça en présence de la mère.

Si les chiots sont élevés dans un espace restreint, à l’obscurité et sans jouets, ils risquent de développer un syndrome de privation sensorielle.

Remarque : si les chiots ou les chatons sont séparés de leur mère avant l’âge de deux mois, l’apprentissage des autocontrôles sera insuffisant et l’homéostasie sensorielle sera mal régulée.

La communication

Pendant la période de socialisation, le petit apprend à communiquer. Dans toutes les espèces animales, la communication est importante, elle est d’autant plus indispensable quand il s’agit d’une espèce sociale comme le chien. La communication implique qu’il faut qu’il y ait un émetteur (celui qui émet le message), un message et un récepteur (celui qui reçoit le message). Cela sous-entend qu’il existe des affinités entre l’émetteur et le récepteur, notamment qu’ils peuvent échanger sur les même modes de communication (visuel, auditif, olfactifs…).

Le canal tactile se met en place comme on l’a vu pendant la période néonatale. Les vibrisses (moustaches, sourcils), la truffe mais aussi toute la surface corporelle de l’animal sont munis de récepteurs sensoriels qui le renseigne sur son environnement physique extérieur.

Le chien et le chat ont un sens olfactif très développé. La perception des odeurs participe à la communication. Cependant, ce sont surtout les phéromones (substances chimiques particulières émises en de très faibles quantités à l’extérieur du corps) qui interviennent dans la communication chimique entre deux chiens et entre deux chats.

L ‘organe vomero-nasal est l’organe qui perçoit les phéromones : il est situé en dessous de la muqueuse nasale et il débouche par deux orifices dans la cavité buccale (derrière les incisives). Pour percevoir les phéromones, le chien comme le chat ouvre légèrement la cavité buccale et aspire. On parle de comportement de flehmen. Les phéromones ont un rôle primordial dans la reproduction (rapprochement des partenaires sexuels, attachement de la mère à ses petits et réciproquement).

La communication auditive est très performante chez le chien (comme chez le chat). Le chien entend des ultrasons que l’homme n’entend pas (jusqu’à 80 000 Hz). L’ouie permet aux chiens et aux chats de communiquer par des vocalises aussi variées que des aboiements et des jappements (chien), des miaulements et des feulements (chat), mais aussi des grondements, des gémissements, des plaintes, des hurlements… Ces vocalises accompagnent des postures et des mouvements qui complètent la communication. Il est d’ailleurs parfois difficile d’interpréter exactement une vocalise sans voir comment se comporte l’animal quand il émet la vocalise. Les halètements ou les claquements de dent constituent aussi des signaux auditifs (émit involontairement) qui renseignent sur l’animal qui les manifeste.

L’acuité visuelle du chien et du chat n’est pas très bonne : elle est au maximum de 3/10° pour chaque œil. En gros, il est myope et distingue peu les détails. En revanche, il est très sensible aux mouvements : le chien reconnaît rapidement un congénère ou un humain grâce à la perception de ses mouvements. La posture, la démarche et les mimiques faciales sont autant de signaux visuels qui participent énormément à la communication chez le chien. Cette perception très fine des mouvements est l’apanage des espèces prédatrices car elle leur permet de localiser et de chasser efficacement leur proie.

Quand deux chiens se rencontrent, c’est d’abord le canal visuel qui est sollicité, le rapprochement permettant alors une communication olfactive.

La hiérarchisation chez le chien

Le chien étant un animal social, il est indispensable que le chiot sache communiquer et plus précisément qu’il puisse le faire en respectant les règles hiérarchiques inhérentes à la constitution d’un groupe de chiens et par extension à un groupe chiens et d’humains (chien de compagnie dans une famille).

La hiérarchisation se déroule en deux temps :

  • juste après le sevrage alimentaire (quand le chiot est apte à ingérer de la nourriture solide) il y a la hiérarchisation alimentaire;
  • puis, au moment de la puberté chez le mâle (5-8 mois selon la taille du chien) et des deuxièmes chaleurs chez la femelle, le chien s’inscrit dans la hiérarchie en tant qu’adulte. Cela correspond aussi au détachement (ou fin de l’attachement primaire) de la mère à son petit.

La hiérarchisation alimentaire : vers l’âge de 4-5 semaines, les chiots ont des dents de lait très pointues. Leur tube digestif peut recevoir de l’alimentation solide (la même que leur mère en fait). Ces deux événements participent au sevrage alimentaire : la mère, agacée par les petites dents repousse ses chiots qui sont attirés parallèlement par de la nourriture carnée. Évidemment, les chiots qui ne savent pas encore se contrôler se précipitent pour manger, c’est la compétition et certains n’hésitent pas à agresser les autres pour manger en premier. La mère ne tolère pas ces conflits : elle intervient, agresse le chiot agressif jusqu’à temps que celui-ci se mette sur le dos. C’est l’apprentissage de la posture de soumission. Les agressions de la mère diminuent au fur et à mesure que les chiots adoptent un comportement contrôlé et une posture basse pour pouvoir accéder à la nourriture.

Remarque : Si la mère n’est pas présente, c’est la loi de la Jungle. Les chiots les plus agressifs continuent d’agresser les plus faibles pour manger à leur aise, aucun adulte n’intervenant pour leur apprendre à se contrôler. Ils deviennent de plus en plus gros et forts aux dépens des autres qui deviennent craintifs. Les plus agressifs deviendront de véritables délinquants car ils n’auront pas appris à se soumettre notamment en présence de nourriture. On parle de dyssocialisation primaire.

La deuxième étape de hiérarchisation est le passage à l’âge adulte et l’insertion du chien dans la hiérarchie : le chien mâle pubère (il lève la patte pour uriner) est considérer par les autres adultes comme un adulte qui doit respecter les règles hiérarchiques, notamment respecter le couple dominant (se soumettre). Pour la femelle, c’est au moment des deuxièmes chaleurs qu’elle est considérée comme une adulte. Lors de ses premières chaleurs et surtout deux mois après, la femelle dominante (la seule qui a le droit de se reproduire dans la meute, donc sa mère) lui permet de rester près d’elle lors de la mise bas et de l’allaitement, ce qui permet à la jeune chienne d’apprendre à s’occuper des petits, d’apprendre à materner… ce qui complète sa socialisation.

Remarque : chez le chat, la territorialisation (cf. § La territorialisation) constitue le pendant de la hiérarchisation chez le chien. Elle représente une prise d’autonomie de l’animal qui accompagne le détachement du petit à sa mère. Parallèlement au détachement de la mère, le chaton s’attache au territoire.

Le détachement

Le détachement est un phénomène actif de la mère : les petits ne se détachent pas spontanément de la mère, c’est cette dernière qui les repousse. Le détachement comment lors du sevrage alimentaire (à 4 semaines) et se termine à la puberté chez le chien mâle et aux deuxièmes chaleurs chez la chienne. Chez le chat, le détachement est effectué à la puberté. La mère est progressivement de moins en moins tolérante quand ses petits prennent contact avec elle, notamment quand ils la mordillent. Elle peut sembler agressive, mais il y a beaucoup de grognements (chienne), de coup de pattes (chatte) voire de prise en gueule, mais pas de blessures.

Quand un chiot quitte sa fratrie et sa mère à deux mois et qu’il arrive dans un foyer, il est normal qu’il cherche à s’apaiser auprès de son maître, puisqu’il n’a pas l’âge encore pour être complètement détaché. Le maître doit apaiser son chiot en le laissant venir à proximité mais progressivement il doit repousser le chiot pour lui apprendre à être autonome. Si ce détachement n’est pas effectué, une anxiété de séparation risque de se développer.

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